Neruda

20 poesie d'amore e una canzone disperata
(Traduzione di Roberta Bovaia)
20 poésies d'amour et une chanson désespérée

I

Corpo di donna, bianche colline, cosce bianche,
assomigli al mondo nel tuo gesto di abbandono.
Il mio corpo di rude contadino ti scava
e fa scaturire il figlio dal fondo della terra.

Fui solo come un tunnel. Da me fuggivano gli uccelli
e in me irrompeva la notte con la sua potente invasione.
Per sopravvivere a me stesso ti forgiai come un'arma,
come freccia al mio arco, come pietra per la mia fionda.

Ma viene l'ora della vendetta, e ti amo.
Corpo di pelle, di muschio, di latte avido e fermo.
Ah le coppe del seno! Ah gli occhi d'assenza!
Ah le rose del pube! Ah la tua voce lenta e triste!

Corpo della mia donna, resterò nella tua grazia.
Mia sete, mia ansia senza limite, mio cammino incerto!
Rivoli oscuri dove la sete eterna rimane,
e la fatica rimane, e il dolore infinito.

I

Corps de femme, blanches collines, cuisses blanches,
l'attitude du don te rend pareil au monde.
Mon corps de laboureur sauvage, de son soc
a fait jaillir le fils du profond de la terre.

je fus comme un tunnel. Déserté des oiseaux,
la nuit m'envahissait de toute sa puissance.
pour survivre j'ai dû te forger comme une arme
et tu es la flèche à mon arc, tu es la pierre dans ma fronde.

Mais passe l'heure de la vengeance, et je t'aime.
Corps de peau et de mousse, de lait avide et ferme.
Ah! le vase des seins! Ah! les yeux de l'absence!
ah! roses du pubis! ah! ta voix lente et triste!

Corps de femme, je persisterai dans ta grâce.
Ô soif, désir illimité, chemin sans but!
Courants obscurs où coule une soif éternelle
et la fatigue y coule, et l'infinie douleur.

II

La lumière t'enrobe en sa flamme mortelle.
Et pensive, pâle et dolente, tu t'appuies
contre le crépuscule et ses vieilles hélices
tournant autour de toi.

Muette, mon amie,
à cette heure des morts seule en la solitude,
emplie du feu vivant,
du jour détruit pure héritière.

Sur le noir de ta robe une grappe du jour,
et de la nuit les immenses racines
ont poussé d'un seul coup à partir de ton âme,
ce qui se cache en toi s'en retourne au dehors.
Un peuple pâle et bleu ainsi s'en alimente
et c'est de toi qu'il vient de naître.

Ô grandiose et féconde et magnétique esclave
de ce cercle alternant le noir et le doré
dressée, tente et parfais ta vive création
jusqu'à la mort des fleurs. Qu'en elle tout soit triste.

III

Ah vastità di pini, rumore d'onde che si frangono,
lento gioco di luci, campana solitaria,
crepuscolo che cade nei tuoi occhi, bambola
chiocciola terrestre, in te la terra canta!

In te i fiumi cantano e in essi l'anima mia fugge
come tu desideri e verso dove tu vorrai.
Segnami la mia strada nel tuo arco di speranza
e lancerò in delirio il mio stormo di frecce.

Intorno a me sto osservando la tua cintura di nebbia
e i1 tuo silenzio incalza le mie ore inseguite,
e sei tu ton le tue braccia di pietra trasparente

dove i miei baci si ancorano e la mia umida ansia s'annida.

Ah la tua voce misteriosa che l'amore tinge e piega
nel crepuscolo risonante e morente!
Così in ore profonde sopra i campi ho visto
piegarsi le spighe sulla bocca del vento.

III

Immensité des pins, rumeur brisée des vagues,
contre le crépuscule et ses vieilles hélices
crépuscule tombant sur tes yeux de poupée,
coquillage terrestre, en toi la terre chante!

En toi chantent les fleuves et sur eux fuit mon âme
comme tu le désires et vers où tu le veux.
Trace-moi le chemin sur ton arc d'espérance
que je lâche en délire une volée de flèches.

Je vois autour de moi ta ceinture de brume,
mes heures poursuivies traquées par ton silence,
c'est en toi, en tes bras de pierre transparente
que mes baisers se sont ancrés, au nid de mon désir humide.

Ah! ta voix de mystère que teinte et plie l'amour
au soir retentissant et qui tombe en mourant!
Ainsi à l'heure sombre ai-je vu dans les champs
se plier les épis sous la bouche du vent.

IV

C'est le matin plein de tempête
au coeur de l'été.

Mouchoirs blancs de l'adieu, les nuages voltigent,
et le vent les secoue de ses mains voyageuses.

Innombrable, le coeur du vent
bat sur notre amoureux silence.

Orchestral et divin, bourdonnant dans les arbres,
comme une langue emplie de guerres et de chants.

Vent, rapide voleur qui enlève les feuilles,
et déviant la flèche battante des oiseaux,

les renverse dans une vague s'ans écume,
substance devenue sans poids, feux qui s'inclinent.

Volume de baisers englouti et brisé
que le vent de l'été vient combattre à la porte.

V

Perchè tu possa ascoltarmi
le mie parole
si fanno sottili, a volte,
come impronte di gabbiani sulla spiaggia.

Collana, sonaglio ebbro
per le tue mani dolci come l'uva.

E le vedo ormai lontane le mie parole.
Più che mie sono tue.
Come edera crescono aggrappate al mio dolore antico.

Così si aggrappano alle pareti umide.
E' tua la colpa di questo gioco cruento.

Stanno fuggendo dalla mia buia tana.
Tutto lo riempi tu, tutto lo riempi.

Prima di te hanno popolato la solitudine che occupi,
e più di te sono abituate alla mia tristezza.

Ora voglio che dicano ciò che io voglio dirti
perchè tu le ascolti come voglio essere ascoltato.

Il vento dell'angoscia può ancora travolgerle.
Tempeste di sogni possono talora abbatterle.
Puoi sentire altre voci nella mia voce dolente.
Pianto di antiche bocche, sangue di antiche suppliche.
Amami, compagna. Non mi lasciare. Seguimi.
Seguimi, compagna, su quest'onda di angoscia.

Ma del tuo amore si vanno tingendo le mie parole.
Tutto ti prendi tu, tutto.

E io le intreccio tutte in una collana infinita
per le tue mani bianche, dolci come l'uva.

V

Pour que tu m'entendes
mes mots
parfois s'amenuisent
comme la trace des mouettes sur la plage.

Collier, grelot ivre
pour le raisin de tes mains douces.

Mes mots je les regarde et je les vois lointains.
Ils sont à toi bien plus qu'à moi.
Sur ma vieille douleur ils grimpent comme un lierre.

Ils grimpent sur les murs humides.
Et de ce jeu sanglant tu es seule coupable.

Ils sont en train de fuir de mon repaire obscur.
Et toi tu emplis tout, par toi tout est empli.

C'est eux qui ont peuplé le vide où tu t'installes,
ma tristesse est à eux plus qu'à toi familière.

Ils diront donc ici ce que je veux te dire,
et entends-les comme je veux que tu m'entendes.

Habituel, un vent angoissé les traîne encore
et parfois l'ouragan des songes les renverse.
Tu entends d'autres voix dans ma voix de douleur.
Pleurs de lèvres anciennes, sang de vieilles suppliques.
Ma compagne, aime-moi. Demeure là. Suis-moi.
Ma compagne, suis-moi, sur la vague d'angoisse.

Pourtant mes mots prennent couleur de ton amour.
Et toi tu emplis tout, par toi tout est empli.

Je fais de tous ces mots un collier infini
pour ta main blanche et douce ainsi que les raisins.

VI

Je me souviens de toi telle que tu étais en ce dernier automne :
un simple béret gris avec le coeur en paix.
Dans tes yeux combattaient les feux du crépuscule.
Et les feuilles tombaient sur les eaux de ton âme.

Enroulée à mes bras comme un volubilis,
les feuilles recueillaient ta voix lente et paisible.
Un bûcher de stupeur où ma soif se consume.
Douce jacinthe bleue qui se tord sur mon âme.

je sens tes yeux qui vont et l'automne est distant :
béret gris, cris d'oiseau, coeur où l'on est chez soi
et vers eux émigraient mes désirs si profonds
et mes baisers tombaient joyeux comme des braises.

Le ciel vu d'un bateau. Les champs vus des collines :
lumière, étang de paix, fumée, ton souvenir.
Au-delà de tes yeux brûlaient les crépuscules.
Sur ton âme tournaient les feuilles de l'automne.

VII

Incliné sur les soirs je jette un filet triste
sur tes yeux d'océan.

Là, brûle écartelée sur le plus haut bûcher,
ma solitude aux bras battants comme un noyé.

Tes yeux absents, j'y fais des marques rouges
et ils ondoient comme la mer au pied d'un phare.

Ma femelle distante, agrippée aux ténèbres,
de ton regard surgit la côte de l'effroi.

Incliné sur les soirs je jette un filet triste
sur la mer qui secoue tes grands yeux d'océan.

Les oiseaux de la nuit picorent les étoiles
qui scintillent comme mon âme quand je t'aime.

Et la nuit galopant sur sa sombre jument
éparpille au hasard l'épi bleu sur les champs.

VIII

Ape bianca, ebbra di miele, ronzi nella mia anima
e ti torci in lente spirali di fumo.

Sono il disperato, la parola senza eco,
quello che ha perduto tutto, quello che tutto aveva.

Mio ultimo ormeggio, in te cigola la mia ultima ansia.
Nella mia terra deserta sei l'ultima rosa.

Ah silenziosa!

Chiudi i tuoi occhi profondi. Lì aleggia la notte.
Ah denuda il tuo corpo di statua timorosa.

Hai occhi profondi dove batte le ali la notte.
Fresche braccia di fiore e grembo di rosa.

I tuoi seni sembrano conchiglie bianche.
Si è addormentata sul tuo ventre una farfalla d'ombra.

Ah silenziosa!

Ecco qui la solitudine del luogo ove non sei.
Piove. Il vento del mare caccia gabbiani erranti.

L'acqua cammina scalza per le strade bagnate.
Da quell'albero si lamentano, come malati, le foglie.

Ape bianca, assente, ancora ronzi nella mia anima.
Rivivi nel tempo, snella e silenziosa.

Ah silenziosa!

VIII

Abeille blanche, ivre de miel, toi qui bourdonnes dans mon âme,
tu te tords en lentes spirales de fumée.

je suis le désespéré, la parole sans écho,
celui qui a tout eu, et qui a tout perdu.

Dernière amarre, en toi craque mon anxiété dernière.
En mon désert tu es la rose ultime.

Ah ! silencieuse !

Ferme tes yeux profonds. La nuit y prend son vol.
Ah! dénude ton corps de craintive statue.

Tu as des yeux profonds où la nuit bat des ailes.
Et de frais bras de fleur et un giron de rose.

Et tes seins sont pareils à des escargots blancs.
Un papillon de nuit dort posé sur ton ventre.

Ah! silencieuse !

Voici la solitude et tu en es absente.
Il pleut. Le vent de mer chasse d'errantes mouettes.

L'eau marche les pieds nus par les routes mouillées.
Et la feuille de l'arbre geint, comme un malade.

Abeille blanche, absente, en moi ton bourdon dure.
Tu revis dans le temps, mince et silencieuse.

Ah ! silencieuse !

IX

Ivre de longs baisers, ivre des térébinthes,
je dirige, estival, le voilier des roses,
me penchant vers la mort de ce jour si ténu,
cimenté dans la frénésie ferme de la mer.

Blafard et amarré à mon eau dévorante
croisant dans l'aigre odeur du climat découvert,
encore revêtu de gris, de sons amers,
et d'un triste cimier d'écume abandonnée.

Je vais, dur, passionné, sur mon unique vague,
lunaire, brusque, ardent et froid, solaire,
et je m'endors d'un bloc sur la gorge des blanches
îles fortunées, douces comme des hanches fraîches.

Mon habit de baisers tremble en la nuit humide
follement agité d'électriques décharges,
d'hébraïque façon divisé par des songes
l'ivresse de la rose en moi s'est déployée.

En remontant les eaux, dans les vagues externes,
ton corps jumeau et qui se soumet dans mes bras
comme un poisson sans fin s'est collé à mon âme
rapide et lent dans cette énergie sous les cieux.

X

Abbiamo perso anche questo crepuscolo.
Nessuno ci ha visto stasera mano nella mano
mentre la notte azzurra cadeva sul mondo.

Ho visto dalla mia finestra
la festa del tramonto sui monti lontani.

A volte, come una moneta
mi si accendeva un pezzo di sole tra le mani.

Io ti ricordavo con l'anima oppressa
da quella tristezza che tu mi conosci.

Dove eri allora?
Tra quali genti?
Dicendo quali parole?
Perchè mi investirà tutto l'amore di colpo
quando mi sento triste e ti sento lontana?

E' caduto il libro che sempre si prende al crepuscolo
e come cane ferito il mantello mi si è accucciato tra i piedi.

Sempre, sempre ti allontani la sera
e vai dove il crepuscolo corre cancellando statue.

X

Nous avons encore perdu ce crépuscule
Et nul ne nous a vus ce soir les mains unies
pendant que la nuit bleue descendait sur le monde.

J'ai vu de ma fenêtre
la fête du couchant sur les coteaux lointains

Parfois, ainsi qu'une médaille
s'allumait un morceau de soleil dans mes mains.

Et je me souvenais de toi le coeur serré
triste de la tristesse à moi que tu connais.

Où étais-tu alors ?
Et parmi quelles gens ?
Quels mots prononçais-tu ?
Pourquoi peut me venir tout l'amour d'un seul coup,
lorsque je me sens triste et te connais lointaine ?

Le livre a chu qu'on prend toujours au crépuscule,
ma cape, chien blessé, à mes pieds a roulé.

Tu t'éloignes toujours et toujours dans le soir
vers où la nuit se hâte effaçant les statues.

XI

Presque en dehors du ciel, ancre entre deux montagnes,
le croissant de la lune.
Tournante, errante nuit, terrassière des yeux,
pour compter les étoiles dans la mare, en morceaux.

Elle est la croix de deuil entre mes sourcils, elle fuit.
Forge de métaux bleus, nuits de lutte cachée,
tourne mon coeur, et c'est un volant fou.

Fille venue de loin, apportée de si loin,
son regard est parfois un éclair sous le ciel.
Incessante complainte et tempête tourbillonnant dans sa furie,
au-dessus de mon coeur passe sans t'arrêter.
Détruis, disperse, emporte, ô vent des sépultures, ta racine assoupie.
De l'autre côté d'elle arrache les grands arbres.
Mais toi, épi, question de fumée, fille claire.
La fille née du vent et des feuilles illuminées.
Par-delà les montagnes nocturnes, lis blanc de l'incendie
ah! je ne peux rien dire ! De toute chose elle était faite.

Couteau de l'anxiété qui partagea mon cœur
c'est l'heure de cheminer, sur un chemin sans son sourire.
Tempête, fossoyeur des cloches, trouble et nouvel essor de la tourmente,
Pourquoi la toucher, pourquoi l'attrister maintenant.

Ah! suivre le chemin qui s'éloigne de tout,
que ne fermeront pas la mort, l'hiver, l'angoisse
avec leurs yeux ouverts au coeur de la rosée

XII

Per il mio cuore basta il tuo petto,
per la tua libertà bastano le mie ali.
Dalla mia bocca arriverà fino in cielo
ciò che stava sopito sulla tua anima.

E' in te l'illusione di ogni giorno.
Giungi come la rugiada sulle corolle.
Scavi l'orizzonte con la tua assenza.
Eternamente in fuga come l'onda.

Ho detto che cantavi nel vento
come i pini e come gli alberi maestri delle navi.
Come quelli sei alta e taciturna.
E di colpo ti rattristi, come un viaggio.

Accogliente come una vecchia strada.
Ti popolano echi e voci nostalgiche.
Io mi sono svegliato e a volte migrano e fuggono
gli uccelli che dormivano nella tua anima.

XII

À mon coeur suffit ta poitrine,
mes ailes pour ta liberté.
De ma bouche atteindra au ciel
tout ce qui dormait sur ton âme.

En toi l'illusion quotidienne.
Tu viens, rosée sur les corolles.
Absente et creusant l'horizon
Tu t'enfuis, éternelle vague.

je l'ai dit : tu chantais au vent
comme les pins et les mâts des navires.
Tu es haute comme eux et comme eux taciturne.
Tu t'attristes soudain, comme fait un voyage.

Accueillante, pareille à un ancien chemin.
Des échos et des voix nostalgiques te peuplent.
À mon réveil parfois émigrent et s'en vont
des oiseaux qui s'étaient endormis dans ton âme.

XIII

J'ai marqué peu à peu l'atlas blanc de ton corps
avec des croix de flamme.
Ma bouche, une araignée qui traversait, furtive.
En toi, derrière toi, craintive et assoiffée.

Histoires à te raconter sur la berge du crépuscule
douce et triste poupée, pour chasser ta tristesse.
Quelque chose, arbre ou cygne, qui est lointain, joyeux.
Et le temps des raisins, mûr et porteur de fruits.

J'ai vécu dans un port et de là je t'aimais.
Solitude où passaient le songe et le silence.
Enfermé, enfermé entre mer et tristesse.
Silencieux, délirant, entre deux statues de gondoliers.

Entre les lèvres et la voix, quelque chose s'en va mourant.
Ailé comme l'oiseau, c'est angoisse et oubli.
Tout comme les filets ne retiennent pas l'eau.
Il ne reste, poupée, que des gouttes qui tremblent.
Pourtant un chant demeure au coeur des mots fugaces.
Un chant, un chant qui monte à mes lèvres avides.
Pouvoir te célébrer partout les mots de joie.
Chanter, brûler, s'enfuir, comme un clocher aux mains d'un fou.
Que deviens-tu soudain, ô ma triste tendresse ?
J'atteins le plus hardi des sommets, le plus froid,
et mon coeur se referme ainsi la fleur nocturne.

XIV

Ton jouet quotidien c'est la clarté du monde.
Visiteuse subtile, venue sur l'eau et sur la fleur.
Tu passas la blancheur de ce petit visage que je serre
entre mes mains, comme une grappe, chaque jour.

Et depuis mon amour tu es sans ressemblance.
Laisse-moi t'allonger sur des guirlandes jaunes.
Qui a écrit ton nom en lettres de fumée au coeur des étoiles du sud ?
Ah! laisse-moi te rappeler celle que tu étais alors,
quand tu n'existais pas encore.

Mais un vent soudain hurle et frappe à ma fenêtre.
Le ciel est un filet rempli d'obscurs poissons.
Ici viennent frapper tous les vents, ici, tous.
La pluie se déshabille.

Les oiseaux passent en fuyant.
Le vent. Le vent.
Je ne peux que lutter contre la force humaine.
Et la tempête a fait un tas des feuilles sombres
et détaché toutes les barques qu'hier soir amarra dans le ciel.

Mais toi tu es ici. Mais toi tu ne fuis pas.
Toi tu me répondras jusqu'à l'ultime cri.
Blottis-toi près de moi comme si tu craignais.
Mais parfois dans tes yeux passait une ombre étrange.

Maintenant, maintenant aussi, mon petit, tu m'apportes des chèvrefeuilles, ils parfument jusqu'à tes seins.
Quand le vent triste court en tuant des papillons
moi je t'aime et ma joie mord ta bouche de prune.

Qu'il t'en aura coûté de t'habituer à moi,
à mon âme seule et sauvage, à mon nom qui les fait tous fuir.
Tant de fois, nous baisant les yeux, nous avons vu brûler l'étoile
et se détordre sur nos têtes les éventails tournants des
crépuscules.

Mes mots pleuvaient sur toi ainsi que des caresses.
Depuis longtemps j'aimai ton corps de nacre et de soleil.
L'univers est à toi, voilà ce que je crois.
Je t'apporterai des montagnes la joie en fleur des copihués
avec des noisettes noires, des paniers de baisers sylvestres.

Je veux faire de toi
ce que fait le printemps avec les cerisiers.

XV

Mi piace quando taci perchè sei come assente,
e mi ascolti da lontano,e la mia voce non ti tocca.
Sembra che si siano dileguati i tuoi occhi
e che un bacio ti abbia chiuso la bocca.

Siccome ogni cosa è piena della mia anima
tu emergi dalle cose, piena dell'anima mia.
Farfalla di sogno, assomigli alla mia anima,
e assomigli alla parola malinconia.

Mi piace quando taci e sei come distante.
Sembri lamentarti, farfalla che tuba.
E mi ascolti da lontano e la mia voce non ti giunge:
lascia che io taccia con il silenzio tuo.

Lascia che ti parli anche con il tuo silenzio
chiaro come una lampada, semplice come un anello.
Sei come la notte, silenziosa e stellata.
Il tuo silenzio è di stella, così lontano e semplice.

Mi piaci quando taci perchè sei come assente.
Distante e dolorosa come se fossi morta.
Poi basta una parola, un sorriso.
E sono felice, felice che non sia vero.

XV

J'aime quand tu te tais, parce que tu es comme absente,
et tu m'entends au loin, et ma voix ne t'atteint pas.
On dirait que tes yeux se sont envolés,
et on dirait qu'un baiser t'a clos la bouche

Comme toutes les choses sont remplies de mon âme,
tu émerges des choses pleine de mon âme.
Papillon de rêve, tu ressembles à mon âme
et tu ressembles au mot : mélancolie.

J'aime quand tu te tais et que tu es comme distante.
Et tu es comme plaintive, papillon que l'on berce.
Et tu m'entends au loin, et ma voix ne t'atteint pas:
laisse-moi me taire avec ton silence.

Laisse-moi aussi te parler avec ton silence,
clair comme une lampe, simple comme un anneau.
Tu es comme la nuit, silencieuse et constellée.
Ton silence est d'étoile, si lointain et si simple.

J'aime quand tu te tais, parce que tu es comme absente,
distante et dolente, comme si tu étais morte.
Un mot alors, un sourire suffisent,
et je suis heureux, heureux que ce ne soit pas vrai.

XVI

Paraphrase de Rabindranath Tagore.

Tu es au crépuscule un nuage dans mon ciel,
ta forme, ta couleur sont comme je les veux.
Tu es mienne, tu es mienne, ma femme à la lèvre douce
et mon songe infini s'établit dans ta vie.

La lampe de mon coeur met du rose à tes pieds
et mon vin d'amertume est plus doux sur tes lèvres,
moissonneuse de ma chanson crépusculaire,
tellement mienne dans mes songes solitaires

Tu es mienne, tu es mienne, et je le crie dans la brise
du soir, et le deuil de ma voix s'en va avec le vent.
Au profond de mes yeux tu chasses, ton butin
stagne comme les eaux de ton regard de nuit.

Tu es prise au filet de ma musique, amour,
aux mailles de mon chant larges comme le ciel.
Sur les bords de tes yeux de deuil mon âme est née.
Et le pays du songe avec ces yeux commence.

XVII

En pensant, en prenant des ombres au filet dans la solitude
profonde.
Toi aussi tu es loin, bien plus loin que personne.
Penseur, lâcheur d'oiseaux, images dissipées
et lampes enterrées.
Clocher de brumes, comme tu es loin, tout là-haut !
Étouffant le gémir,
taciturne meunier de la farine obscure de l'espoir,
la nuit s'en vient à toi, rampant, loin de la ville.

Ta présence a changé et m'est chose étrangère.
Je pense, longuement je parcours cette vie avant toi.
Ma vie avant personne, ma vie, mon âpre vie.
Le cri face à la mer, le cri au coeur des pierres,
en courant libre et fou, dans la buée de la mer.
Cri et triste furie, solitude marine.
Emballé, violent, élancé vers le ciel.

Toi, femme, qu'étais-tu alors ? Quelle lame, quelle branche
de cet immense éventail ? Aussi lointaine qu'à présent.
Incendie dans le bois ! Croix bleues de l'incendie.
Brûle, brûle et flamboie, pétille en arbres de lumière.
Il s'écroule et crépite. Incendie, incendie.

Blessée par des copeaux de feu mon âme danse.
Qui appelle? Quel silence peuplé d'échos ?
Heure de nostalgie, heure de l'allégresse, heure de solitude,
heure mienne entre toutes !
Trompe qui passe en chantant dans le vent.
Tant de passion des pleurs qui se noue à mon corps.

Toutes racines secouées,
toutes les vagues à l'assaut !
Et mon âme roulait, gaie, triste, interminable.

Pensées et lampes enterrées dans la profonde solitude.
Qui es-tu toi, qui es-tu ?

XVIII

Qui io ti amo.
Tra pini scuri si srotola il vento.
Brilla fosforescente la luna su acque erranti.
Passano giorni uguali, inseguendosi l'un l'altro.

Si dirada la nebbia in figure danzanti.
Un gabbiano d'argento si stacca dal tramonto.
A volte una vela. Alte, alte stelle.

O la croce nera di una nave.
Solo.
A volte mi alzo all'alba e persino la mia anima è umida.
Suona, risuona il mare lontano.
Questo è un porto.
Qui io ti amo.

Qui io ti amo e invano l'orizzonte ti occulta.
Ti sto amando anche in mezzo a queste cose fredde.
A volte vanno i miei baci su quelle navi gravi,
che corrono sul mare dove non arriveranno.
Mi vedo già dimenticato come queste vecchie àncore.

Sono più tristi le banchine quando ormeggia la sera.
Si stanca la mia vita inutilmente affamata.
Amo quel che non ho. Tu sei così distante.
La mia noia lotta con lenti crepuscoli.
Ma poi giunge la notte e inizia a cantarmi.
La luna proietta la sua pellicola di sogno.

Mi guardano con i tuoi occhi le stelle più grandi.
E poichè io ti amo, i pini nel vento
vogliono cantare il tuo nome con le loro foglie metalliche.

XVIII

Ici je t'aime.
Dans les pins obscurs le vent se démêle.
La lune resplendit sur les eaux vagabondes.
Des jours égaux marchent et se poursuivent.

Le brouillard en dansant qui dénoue sa ceinture.
Une mouette d'argent du couchant se décroche.
Une voile parfois. Haut, très haut, les étoiles.

Ô la croix noire d'un bateau.
Seul.
Le jour parfois se lève en moi, et même mon âme est humide.
La mer au loin sonne et résonne.
Voici un port.
Ici je t'aime.

Ici je t'aime. En vain te cache l'horizon.
Tu restes mon amour parmi ces froides choses.
Parfois mes baisers vont sur ces graves bateaux
qui courent sur la mer au but jamais atteint.
Suis-je oublié déjà comme ces vieilles ancres.
Abordé par le soir le quai devient plus triste.

Et ma vie est lassée de sa faim inutile.
J'aime tout ce que je n'ai pas. Et toi comme tu es loin.

Mon ennui se débat dans les lents crépuscules.
Il vient pourtant la nuit qui chantera pour moi.
La lune fait tourner ses rouages de songe.

Avec tes yeux me voient les étoiles majeures.
Pliés à mon amour, les pins dans le vent veulent
chanter ton nom avec leurs aiguilles de fer.

XIX

Bimba bruna e flessuosa, il sole che fa la frutta,
quello che riempie il grano, quello che piega le alghe,
ha fatto il tuo corpo allegro, i tuoi occhi luminosi
e la tua bocca che ha il sorriso dell'acqua.

Un sole nero e ansioso si attorciglia alle matasse
della tua nera chioma, quando allunghi le braccia.
Tu giochi con il sole come un ruscello
e lui ti lascia negli occhi due piccoli stagni scuri.

Bimba bruna e flessuosa, nulla mi avvicina a te.
Tutto da te mi allontana, come dal mezzogiorno ...
Sei la delirante gioventù dell'ape,
l'ebbrezza dell'onda, la forza della spiga.

Eppure il mio corpo cupo ti cerca,
e amo il tuo corpo allegro, la tua voce disinvolta e sottile.
Farfalla bruna dolce e definitiva
come il campo di grano e il sole, il papavero e l'acqua.

XIX

Fille brune, fille agile, le soleil qui fait les fruits,
qui alourdit les blés et tourmente les algues,
a fait ton corps joyeux et tes yeux lumineux
et ta bouche qui a le sourire de l'eau.

Noir, anxieux, un soleil s'est enroulé aux fils
de ta crinière noire, et toi tu étires les bras.
Et tu joues avec lui comme avec un ruisseau,
qui laisse dans tes yeux deux sombres eaux dormantes.

Fille brune, fille agile, rien ne me rapproche de toi.
Tout m'éloigne de toi, comme du plein midi.
Tu es la délirante enfance de l'abeille,
la force de l'épi, l'ivresse de la vague.

Mon coeur sombre pourtant te cherche,
J'aime ton corps joyeux et ta voix libre et mince.
Ô mon papillon brun, doux et définitif,
tu es blés et soleil eau et coquelicot.

XX

Posso scrivere i versi più tristi stanotte.

Scrivere, per esempio. "La notte è stellata,
e tremano, azzurri, gli astri in lontananza".

E il vento della notte gira nel cielo e canta.

Posso scrivere i versi più tristi stanotte.
Io l'ho amata e a volte anche lei mi amava.

In notti come questa l'ho tenuta tra le braccia.
L'ho baciata tante volte sotto il cielo infinito.

Lei mi ha amato e a volte anch'io l'amavo.
Come non amare i suoi grandi occhi fissi.

Posso scrivere i versi più tristi stanotte.
Pensare che non l'ho più. Sentire che l'ho persa.

Sentire la notte immensa, ancor più immensa senza di lei.
E il verso scende sull'anima come la rugiada sul prato.

Poco importa che il mio amore non abbia saputo fermarla.
La notte è stellata e lei non è con me.

Questo è tutto. Lontano, qualcuno canta.
Lontano.
La mia anima non si rassegna d'averla persa.

Come per avvicinarla, il mio sguardo la cerca.
Il mio cuore la cerca, e lei non è con me.

La stessa notte che sbianca gli stessi alberi.
Noi, quelli d'allora, già non siamo gli stessi.

Io non l'amo più, è vero, ma quanto l'ho amata.
La mia voce cercava il vento per arrivare alle sue orecchie.

D'un altro. Sarà d'un altro. Come prima dei miei baci.
La sua voce, il suo corpo chiaro. I suoi occhi infiniti.

Ormai non l'amo più, è vero, ma forse l'amo ancora.
E' così breve l'amore e così lungo l'oblio.

E siccome in notti come questa l'ho tenuta tra le braccia,
la mia anima non si rassegna d'averla persa.

Benchè questo sia l'ultimo dolore che lei mi causa,
e questi gli ultimi versi che io le scrivo.

XX

Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Écrire, par exemple: "La nuit est étoilée
et les astres d'azur tremblent dans le lointain."
Le vent de la nuit tourne dans le ciel et chante.

Je puis écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Je l'aimais, et parfois elle aussi elle m'aima.
Les nuits comme cette nuit, je l'avais entre mes bras.
Je l'embrassai tant de fois sous le ciel, ciel infini.

Elle m'aima, et parfois moi aussi je l'ai aimée.
Comment n'aimerait-on pas ses grands yeux, ses grands yeux fixes.

Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Penser que je ne l'ai pas. Regretter l'avoir perdue.

Entendre la nuit immense, et plus immense sans elle.
Et le vers tombe dans l'âme comme la rosée dans l'herbe.

Qu'importe que mon amour n'ait pas pu la retenir.
La nuit est pleine d'étoiles, elle n'est pas avec moi.

Voilà tout. Au loin on chante. C'est au loin.
Et mon âme est mécontente parce que je l'ai perdue.

Comme pour la rapprocher, c'est mon regard qui la cherche.
Et mon coeur aussi la cherche, elle n'est pas avec moi.

Et c'est bien la même nuit qui blanchit les mêmes arbres.
Mais nous autres, ceux d'alors, nous ne sommes plus les mêmes.

je ne l'aime plus, c'est vrai. Pourtant, combien je l'aimais.
Ma voix appelait le vent pour aller à son oreille.

A un autre. A un autre elle sera. Ainsi qu'avant mes baisers.
Avec sa voix, son corps clair. Avec ses yeux infinis.

je ne l'aime plus, c'est vrai, pourtant, peut-être je l'aime.
Il est si bref l'amour et l'oubli est si long.

C'était en des nuits pareilles, je l'avais entre mes bras
et mon âme est mécontente parce que je l'ai perdue.

Même si cette douleur est la dernière par elle
et même si ce poème est les derniers vers pour elle.


(traduit par André Bonhomme et Jean Marcenac)

LA CANZONE DISPERATA

Il tuo ricordo emerge dalla notte in cui sono.
Il fiume riannoda al mare il suo lamento ostinato.

Abbandonato come i moli all'alba.
E' l'ora di partire, oh abbandonato!

Sul mio cuore piovono fredde corolle.
Oh sentina di rifiuti, feroce tana di naufraghi!

In te si accumularono le guerre e i voli.
Da te innalzarono le ali gli uccelli del canto.

Tutto hai inghiottito, come la lontananza.
Come il mare, come il tempo. Tutto in te fu naufragio!

Era l'ora felice dell'assalto e del bacio.
L'ora dello stupore che ardeva come un faro.

Ansietà di nocchiero, furia di palombaro cieco,
torbida ebbrezza d'amore, tutto in te fu naufragio!

Nell'infanzia di nebbia la mia anima alata e ferita.
Scopritore perduto, tutto in te fu naufragio!

Ti attaccasti al dolore, ti aggrappasti al desiderio.
Ti abbatté la tristezza, tutto in te fu naufragio!

Feci retrocedere la muraglia d'ombra,
andai oltre il desiderio e l'atto.

Oh carne, carne mia, donna che amai e persi,
te, in quest'ora umida, evoco e canto.

Come una coppa albergasti l'infinita tenerezza,
e l'infinito oblio t'infranse come una coppa.

Era la nera, nera solitudine delle isole,
e lì, donna d'amore, mi accolsero le tue braccia.

Era la sete e la fame, e tu fosti la frutta.
Erano il dolore e le rovine, e tu f osti il miracolo.

Ah donna, non so come hai potuto contenermi
nella terra della tua anima, nella croce delle tue braccia!

Il mio desiderio di te fu il più terribile e corto,
il più sconvolto ed ebbro, il più teso e avido.

Cimitero di baci, c'è ancora fuoco nelle tue tombe,
ancora ardono i grappoli sbeccuzzati d'uccelli.

Oh la bocca morsa, oh le baciate membra,
oh gli affamati denti, oh i corpi intrecciati.

Oh la copula pazza di speranza e di vigore
in cui ci annodammo e ci disperammo.

E, la tenerezza, lieve come l'acqua e la farina.
E la parola appena incominciata sulle labbra.

Questo fu il mio destino e in esso viaggiò il mio anelito,
e i n esso cadde il mio anelito, tutto in te fu naufragio!

Oh sentina di rifiuti, in te tutto cadeva,
che dolore non spremesti, che dolore non ti soffoca.

Di caduta in caduta ancora fiammeggiasti e cantasti.
In piedi come un marinaio sulla prua di una nave.

Ancora fioristi in canti, ancora prorompesti in correnti.
Oh sentina di rifiuti, pozzo aperto e amaro.

Pallido palombaro cieco, sventurato fromboliere,
scopritore perduto, tutto in te fu naufragio!

E' l'ora di partire, la dura e fredda ora
che la notte lega ad ogni orario.

Il cinturone rumoroso dei mare cinge la costa.
Sorgono stelle fredde, emigrano neri uccelli.

Abbandonato come i moli nell'alba.
Solo l'ombra tremula si contorce nelle mie mani.

Ah più in là di ogni cosa. Ah più in là di ogni cosa.

E' l'ora di partire. Oh abbandonato!

UNE CHANSON DÉSESPÉRÉE

Ton souvenir surgit de la nuit où je suis.
La rivière à la mer noue sa plainte obstinée.

Abandonné comme les quais dans le matin.
C'est l'heure de partir, ô toi l'abandonné !

Des corolles tombant, pluie oi e sur mon coeur.
Ô sentine de décombres, grotte féroce au naufragé !

En toi se sont accumulés avec les guerres les envols.
Les oiseaux de mon chant de toi prirent essor.

Tu as tout englouti, comme fait le lointain.
Comme la mer, comme le temps. Et tout en toi fut un naufrage !

De l'assaut, du baiser c'était l'heure joyeuse.
lueur de la stupeur qui brûlait comme un phare.

Anxiété de pilote et furie de plongeur aveugle,
trouble ivresse d'amour, tout en toi fut naufrage !

Mon âme ailée, blessée, dans l'enfance de brume.
Explorateur perdu, tout en toi fut naufrage !

Tu enlaças la douleur, tu t'accrochas au désir.
La tristesse te renversa et tout en toi fut un naufrage !

Mais j'ai fait reculer la muraille de l'ombre,
j'ai marché au-delà du désir et de l'acte.

Ô ma chair, chair de la femme aimée, de la femme perdue,
je t'évoque et je fais de toi un chant à l'heure humide.

Tu reçus l'infinie tendresse comme un vase,
et l'oubli infini te brisa comme un vase.

Dans la noire, la noire solitude des îles,
c'est là, femme d'amour, que tes bras m'accueillirent.

C'était la soif, la faim, et toi tu fus le fruit.
C'était le deuil, les ruines et tu fus le miracle.

Femme, femme, comment as-tu pu m'enfermer
dans la croix de tes bras, la terre de ton âme.

Mon désir de toi fut le plus terrible et le plus court,
le plus désordonné, ivre, tendu, avide.

Cimetière de baisers, dans tes tombes survit le feu,
et becquetée d'oiseaux la grappe brûle encore.

Ô la bouche mordue, ô les membres baisés,
ô les dents affamées, ô les corps enlacés.

Furieux accouplement de l'espoir et l'effort
qui nous noua tous deux et nous désespéra.

La tendresse, son eau, sa farine légère.
Et le mot commencé à peine sur les lèvres.

Ce fut là le destin où allait mon désir,
où mon désir tomba, tout en toi fut naufrage!

Ô sentine de décombres, tout est retombé sur toi,
toute la douleur tu l'as dite et toute la douleur t'étouffe.

De tombe en tombe encore tu brûlas et chantas.
Debout comme un marin à la proue d'un navire.

Et tu as fleuri dans des chants, tu t'es brisé dans des courants.
Ô sentine de décombres, puits ouvert de l'amertume.

Plongeur aveugle et pâle, infortuné frondeur,
explorateur perdu, tout en toi fut naufrage !

C'est l'heure de partir, c'est l'heure dure et froide
que la nuit toujours fixe à la suite des heures.

La mer fait aux rochers sa ceinture de bruit.
Froide l'étoile monte et noir l'oiseau émigre.

Abandonné comme les quais dans le matin.
Et seule dans mes mains se tord l'ombre tremblante.

Oui, bien plus loin que tout. Combien plus loin que tout.

C'est l'heure de partir. Ô toi l'abandonné.

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